CENTRAFRIQUE NEWS EXPRESS

CENTRAFRIQUE NEWS EXPRESS

La Cour pénale internationale, entre influence et impuissance

COUR-PENALE-INTERNATIONALE.jpg

 

 

Par Anna Villechenon

 

 

Il est devenu le premier chef d'Etat à comparaître en cours de mandat devant la Cour pénale internationale (CPI). Mercredi 8 octobre, le président kényan Uhuru Kenyatta s'est rendu à La Haye, où il a demandé l'abandon des poursuites pour crimes contre l'humanité qu'il encourt pour son rôle présumé dans les violences post-électorales qui ont divisé le Kenya entre fin 2007 et début 2008.

L'accusation, qui affirme que Nairobi ne coopère pas à l'enquête et que des témoins se sont rétractés après avoir été intimidés, reconnaît elle-même ne pas avoir assez de preuves pour l'instant.

Son procès, prévu initialement en septembre 2013, ne s'est donc toujours pas ouvert, et la probabilité qu'il se tienne s'est réduite comme peau de chagrin, l'accusation ayant demandé son report sine die.

Cette affaire est loin d'être la seule à rester en suspens depuis plusieurs années, ce qui alimente les critiques à l'égard de La Haye, dont le bilan après douze années d'existence est très mitigé.

 

La CPI, c'est quoi ?

 

La Cour pénale internationale, régie par le statut de Rome, a été créée en 1998, sous l'impulsion de l'ONU, dont elle est toutefois indépendante. Elle est entrée en fonction le 1er juillet 2002, après la ratification du statut de Rome par 60 pays. Au total, 122 Etats sont parties au statut, dont une majorité de pays africains et l'ensemble des pays de l'Union européenne. Cette cour pénale internationale permanente s'est donné pour objectif de « mettre fin à l'impunité des auteurs des crimes les plus graves [génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre], qui touchent la communauté internationale ». La CPI ne peut poursuivre que des personnes physiques, et non des Etats.

 

 

La CPI en 4 chiffres :

 

21 affaires Au total, 29 personnes sont actuellement ou ont été mises en cause. Par ailleurs, les charges contre trois autres personnes, dont Mouammar Kadhafi, ont été abandonnées après leur mort.

9 pays Sont concernés la République démocratique du Congo (6), la République centrafricaine (2), l'Ouganda (1), le Soudan (5), le Kenya (3), la Libye (1) et la Côte d'Ivoire (3).

 

1-continent Les affaires en cours se limitent pour l'instant à l'Afrique. Les tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, ainsi que les tribunaux spéciaux pour le Sierra Leone, le Cambodge et le Liban dépendent des Nations unies et non de la CPI.

2-verdicts Seules deux peines de prison, de douze et quatorze ans, ont été prononcées depuis 2002. Quatre autres procès sont en cours.

 

Des pouvoirs limités...

 

Dans un rapport publié en mars 2013, le Center for Security Studies (CSS) de Zurich évoque plusieurs limites juridiques, freins à l'efficacité de la CPI :

 

  • Pas de complémentarité : « La Cour ne peut intervenir que si les autorités nationales compétentes n'ont pas la volonté ou les moyens de poursuivre elles-mêmes les coupables avec la sévérité requise. »

 

  • Limite dans le temps : « La CPI ne peut juger que des événements qui se sont produits après l'entrée en vigueur du statut de Rome le 1er juillet 2002. »

 

  • Restrictions géographiques : « La Cour peut (...) intervenir en principe si un crime s'est produit sur le territoire national d'un Etat membre ou si ce crime est imputé à une personne possédant la nationalité d'un Etat membre (...). Le statut de Rome octroie au Conseil de sécurité de l'ONU le droit de déférer à la CPI des événements qui se sont déroulés sur le territoire national d'un Etat non partie au statut. »

Par conséquent, « les capacités effectives de la Cour sont limitées et le resteront dans un avenir proche. Il y a donc un fossé entre prétention et réalité », souligne le CSS.

 

... mais une influence certaine

 

En dépit du faible nombre de verdicts, le CSS insiste sur l'importance de « ce que [la CPI] déclenche au niveau national en matière de renforcement des autorités et législations nationales » et de « l'effet [préventif] qu'elle exerce dans les cas qui ne sont pas négociés à La Haye ». Une influence saluée par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui évoque régulièrement « l'ombre de la Cour ».

 

Anna Villechenon
Journaliste au Monde



11/10/2014
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 80 autres membres