CENTRAFRIQUE NEWS EXPRESS

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Centrafrique : « Tu vas voir, ici c’est l’enfer… »

 

Depuis le 5 décembre dernier, la violence fait rage à Bangui, la capitale centrafricaine. Des centaines de milliers d’habitants ont fui leurs quartiers pour trouver refuge dans des camps de fortune, dont celui de M’Poko, dans l’enceinte même de l’aéroport de la ville. Raphaël Piret, chargé de communication de MSF, explique ses premières impressions lors de son arrivée dans ce camp aux conditions de vie effroyables.

 

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Par MSF

 

Avant même de toucher le sol de Bangui, le ton est donné. En survolant la ville, on aperçoit d’abord ses faubourgs. On distingue clairement des véhicules et des habitants qui déambulent. Mais on est loin de l’animation habituelle de tant de capitales africaines. Puis, un quartier entier vide. Pas une âme, pas un mouvement… Enfin, l’arrivée à l’aéroport de la capitale centrafricaine et l’apparition hallucinante de M’Poko. Le plus grand camp de déplacés de Bangui. 100.000 ? 150.000 ? Le nombre de Banguissois qui ont fui ici les violences de ces dernières semaines est difficile à évaluer. Une chose est sûre, la densité de ce camp de fortune installé au bord même de la piste dépasse tout entendement. Et une fois l’avion au sol, la foule reprend  ses allées et venues sur la piste.

 

Au total, ce sont des centaines de milliers de personnes qui ont fui la violence dans leurs quartiers pour trouver refuge dans une multitude de camps, plus ou moins grands. Dans une ville de même pas un million d’habitants. Entre les checkpoints, les convois militaires et les avenues parfois désertées, on comprend que la tension est toujours vive.

Mon premier contact avec M’Poko attend le lendemain de mon arrivée, quand j’accompagne l’équipe médicale dans les projets que MSF y a mis en place en un temps record: une clinique, deux postes de santé. Dans la voiture qui nous emmène, Francesco, responsable médical dans le camp, n’y va pas par quatre chemins. « C’est la première fois que tu vas à M’Poko ? Tu vas voir, ici, c’est l’enfer… ». Pour atteindre la clinique, le 4X4 doit emprunter un chemin de terre étroit au pas tellement la foule est compacte. Après 200 mètres, la clinique apparaît. Elle avait été installée il y a quelques semaines en lisière du camp, quand celui-ci ne comptait encore « que » 30.000 personnes. Alors que la violence sévissait en ville, il n’a cessé de grandir, absorbant la clinique.

 

Vision post-apocalyptique

 

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Une avenue désertée de Bangui. © Raphaël Piret

 

A pied, la sensation de rentrer dans un gigantesque organisme vivant est plus prenante encore. A part l’un ou l’autre sentier bordé d’échoppes improvisées, les abris, draps tendus, tôles ou tentes pour les plus chanceux, sont collés les uns aux autres. Dans une vision post-apocalyptique au détour d’un hangar, je découvre des familles amassées sous les ailes d’avions décrépis et qui n’ont plus côtoyé les nuages depuis des lustres. Les conditions de vie sont effroyables.  Promiscuité, manque d’eau, de nourriture, d’abris dignes de ce nom et de latrines. L’odeur est à certains endroits insoutenables, les mouches omniprésentes.  Je me demande bien comment ces familles peuvent bien survivre ainsi depuis des semaines…

 

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Pharmacie de la clinique MSF. © Christian Nestler

 

Avec ses postes de santé sous tente et sa clinique installée en partie sous tentes, en partie dans un bâtiment, le système de MSF est lui bien rôdé. Les cas sérieux sont référés à la clinique, qui dispose d’une maternité, d’un espace d’hospitalisation, d’un service d’urgences, d’un espace de consultation…  La plupart des médecins et infirmiers locaux de MSF sont eux-mêmes des habitants du camp. Se croisent dans ces structures les personnes fauchées par les balles perdues, les malades de la malaria, fléau qui fait bien plus de victimes encore que la violence, les patients souffrant de déshydratation ou encore d’infections respiratoires. Les cas les plus graves sont envoyés en ville, notamment à l’hôpital de référence où une autre équipe MSF mène les seules activités chirurgicales de traumatologie de Bangui.

Une pièce délabrée aménagée tant bien que mal sert de salle d’accouchement. « On y réalise 10 à 12 accouchements par jour », explique Juliane, sage-femme. C’est l’équivalent d’un gros hôpital dans une ville moyenne d’Europe, mais sans le personnel et l’équipement qui va de pair. Nous n’avons perdu aucune patiente à ce jour, mais je vois de plus en plus de fausses-couches et d’accouchements prématurés à cause des conditions de vie et du stress… »

Pour mieux répondre aux besoins, MSF construit un hôpital de toute pièce de l’autre côté du camp. Andrea, logisticien s’affaire avec plus de 100 ouvriers locaux pour réussir cette prouesse en 10 jours, jetant de temps en temps un œil sur un plan esquissé sur un morceau de carton…

S’il est le plus grand et le plus impressionnant, M’Poko n’est qu’un des multiples camps de déplacés dans la ville et dans le pays. Un pays qui s’enfonce dans une crise atroce, souvent oubliée de tous. Christian, photo reporter allemand me montre ses superbes clichés, pris au gré de ses pérégrinations dans le pays depuis des mois. « J’ai proposé mes reportages aux grands médias allemands », explique-t-il, dépité.  « Leur réponse : ‘Aucun intérêt ‘…  »

 

blog.lesoir.be

 



21/01/2014
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