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Par Pascal Airault (Opinion Internationale)

 

 

Les faits - A peine nommé, le nouveau gouvernement centrafricain est contesté. L’un des plus puissants chefs de guerre de la Seleka, Nourredine Adam, a exclu les trois ministres censés le représenter au sein du cabinet. C’est tout le fragile édifice bâti ces derniers mois pour réorganiser les rebelles et leur donner une représentation politique afin de négocier avec les autorités qui s’effondre. Les efforts s’étaient traduits par la signature d’un accord de cessez le feu en juillet à Brazzaville.

Noureddine Adam rejette le nouveau gouvernement. A 44 ans, ce général autoproclamé, qui fut l’un des grands artisans de la conquête du pouvoir de la Seleka en mars 2013, n’est pas parvenu à imposer ses proches à la présidente de transition, Catherine Samba Panza. Une manière de rappeler aux autorités et au Conseil de sécurité, qui l’a mis sous sanctions, qu'il compte rester au centre du jeu.

Passé à l’Académie de police du Caire, formation complétée par un stage au sein des forces spéciales israéliennes avant d’être recruté pour assurer la protection rapprochée du Cheikh Zayed à Abu Dhabi, ce chef de guerre fut l’un des grands artisans de la conquête du pouvoir de la Seleka en mars 2013... avant d’être chassé de Bangui par la force française Sangaris. D’un naturel discret mais très rugueux, il déstabilise aujourd'hui la transition. En juin, lui et ses fidèles ont repris le contrôle de Birao et des villes frontalières du Soudan et du Tchad. Avec Michel Djotodia, l’ex président putschiste, et Mohamed Dhaffane, un autre chef de guerre, il a monté une aile dissidente de la Seleka. Une mouvance qui s’oppose à la coordination d’autres rebelles de la Seleka pilotés politiquement par Abdoulaye Issene.

Cette semaine, cette coordination a convoqué ses membres pour se restructurer. Tout l’enjeu est de participer au processus de Démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR). Ce programme prévoit le cantonnement des belligérants et leur réintégration dans l’armée ou le retour à une vie civile. Comme en Côte d’Ivoire hier, les bailleurs de fonds sont prêts à distribuer les postes et les subsides pour faire revenir les rebelles dans le giron de l’Etat. Mais rien ne sera facile.

«Les rebelles de la Seleka sont dans un processus de fragmentation et de consolidation territoriale (routes et trafics)», explique Thierry Vircoulon, directeur de l'International Crisis Group (ICG) pour l'Afrique centrale. Leur unité lors des discussions de Brazzaville, qui a abouti à un cessez-le-feu, n’étaient que factice sous l’impulsion des médiateurs ». Une fois revenus en Centrafrique et n’ayant pas obtenu satisfaction, ils se divisent à nouveau. Aux querelles de leaderships et de contrôle des richesses s’ajoutent des divisions ethniques. En témoigne, les récents affrontements entre Peuls et Goula de la Seleka à Bambari, même si une paix des braves vient d’être signée, les deux camps s’accordant sur le partage territorial.

Pour l’analyste d’ICG, la communauté internationale doit réviser son logiciel et se préparer à négocier avec les différents groupes leur réinsertion dans le jeu politico-militaire. « Ces crises répétitives et les divisions de la Seleka sont la preuve que l’on ne peut avoir un interlocuteur unique », ajoute Thierry Vircoulon. Une fois la tension retombée, les bases de la gouvernance politique devront aussi être discutées dans un pays qui compte 90 ethnies et où les Musulmans et Chrétiens se regardent dorénavant en chiens de faïence.

«Les Etats de la région et la communauté internationale doivent réfléchir à des modes de gouvernance plus décentralisés sur la base du modèle fédéral », plaide le gabonais Louis Gaston Mayila, ancien directeur de cabinet et ministre d’Omar Bongo. Une évolution difficile pour les chefs d’Etat d’Afrique centrale, au centre de la médiation, qui ont hérité d’un modèle français très centralisé et sont préoccupés par leur réélection et leurs attributs de souveraineté.