CENTRAFRIQUE NEWS EXPRESS

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En Centrafrique, l'ONU remplace l'Union africaine : une efficacité plus que douteuse

 

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Par Gregor Mathias
Professeur

 

Ce 15 septembre 2014, la Minusca, la mission de maintien de l’ONU, a pris le relais des troupes de l’Union africaine en Centrafrique. Cette mission va-t-elle modifier fondamentalement la situation sécuritaire du pays ? Analyse de Gregor Mathias, auteur des "Guerres africaines de François Hollande" (éd. de l’Aube).

La mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca) remplace désormais la Misca, force de l’Union africaine, pour stabiliser la République centrafricaine.

Ses missions sont de protéger les civils et les ONG, cibles des deux groupes armés musulmans de la Séléka et chrétiens des anti-balakas. La Minusca a pour mandat d’arrêter et de traduire en justice les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elle doit aussi appuyer les autorités centrafricaines de transition pour organiser les futures élections et "favoriser et soutenir l’extension de l’autorité de l’Etat" en province.

L’opinion publique française risque de penser que l’intervention de l’ONU suffira à rétablir l’ordre et la sécurité dans ce pays déchiré par les conflits ethnico-religieux, ce qui permettra le retrait de la force française Sangaris.

 

Nouvel écusson et couleur du casque, les deux plus grands changements

La Minusca prévoit à terme un effectif de 12.000 hommes, dont 1.800 policiers, pour stabiliser le pays. Or, sur ce chiffre, seuls 7.600 soldats sont arrivés.

Les 6.000 hommes de la Misca présents en Centrafrique appartenant à l’Union africaine vont donc tout simplement changer d’écusson et peindre leur casque en bleu. Ils vont également changer de commandement en se plaçant sous les ordres du général sénégalais Babacar Gaye, officier ayant eu l’expérience des opérations de maintien de la paix en Irak, au Liban, et en RDC de 2005 à 2010.

Aux nationalités déjà présentes en Centrafrique vont s’ajouter des policiers de pays francophones, comme le Burundi, le Rwanda et le Sénégal.

 

Des anglophones pour stabiliser un pays francophone

Le principal problème des nouveaux contingents de l’ONU qui vont renforcer les anciennes unités de la Misca, est celui de la langue. Ce sont tous, à l’exception du Maroc, des pays anglophones (Bangladesh, Pakistan et Indonésie), alors qu’ils sont déployés dans un pays francophone déchiré par des conflits ethnico-religieux.

Ces pays ont aussi l’inconvénient d’être musulman, alors même que la majorité de la population est chrétienne et que le Nord-Est, en sécession de fait, est contrôlé par des musulmans.

La langue et la religion des militaires de la Minusca risquent d’être un obstacle pour se faire accepter de la population chrétienne de l’Ouest et de la population francophone musulmane de l’Est.  

 

Une efficacité plus que douteuse

Ces mêmes forces internationales africaines sont présentes en Centrafrique depuis 2008, elles ont été inefficaces à empêcher la Séléka de s’emparer de Bangui en mars 2013 et incapables d’arrêter les massacres et les pillages lors de son reflux en janvier 2014.

 

Elles n’ont pas réussi à arrêter les massacres ethnico-religieux à Bangui, sauf en évacuant les quartiers musulmans de la capitale. Elles ne sont pas parvenues à démanteler les barrages routiers anti-balakas entre la frontière camerounaise et Bangui.

Les affrontements les plus violents l’ont été entre la force Sangaris et la Séléka, lorsque les Français ont tenté de désarmer ou d’arrêter l’avancée de rebelles sur leur position.

Lorsqu’on sait que la Séléka est le seul groupe à avoir refusé de ratifier les accords de paix de Brazzaville, on s’imagine la difficulté pour la Minusca de désarmer ce groupe armé. La Minusca devra se déployer en province, faire accepter sa tutelle et désarmer tous les belligérants. Pour assécher les sources de financement des groupes armés, elle devra également prendre le contrôle des ressources aurifères et diamantifères.

La Séleka et les anti-balakas risquent d’y voir un casus belli et refuser de s’y soumettre. Mais y aura-t-il même une volonté des anciens militaires de la Misca devenus casques bleus de la Minusca de les désarmer, alors qu’ils n’ont jamais tenté de le faire depuis un an et demi ?

 

Sangaris, s’envolera ou ne s’envolera pas ?

 

Le déploiement de la Minusca et ses actions doivent remplacer à terme les forces françaises de l’opération Sangaris, d’où le nom de ce papillon éphémère.

Devant l’ampleur des défis à relever et la difficulté pour désarmer des groupes armés très autonomes, dont le plus important à refuser le désarmement, il n’est pas sûr que Sangaris arrive à partir définitivement de Centrafrique en mai 2015.

Son rôle risque d’être le même que lors de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire lors de la partition du pays, c’est-à-dire servir de force de soutien et de réaction rapide de l’ONU en cas de reprise des hostilités. 

 

 

 

 

LenouvelObs.com



16/09/2014
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