Centrafrique : dans le camp retranché des ex-rebelles Séléka
Rencontre avec le président intérimaire Michel Djotodia dans le camp de Roux, refuge de sa garde rapprochée et d’ex-rebelles toujours lourdement armés.
Michel Djotodia, arrivé au pouvoir dans les valises des rebelles du Nord, les Séléka, ne loge pas au palais présidentiel. Les mauvaises langues prétendent qu’il le croit marabouté par son prédécesseur François Bozizé. C’est donc au camp de Roux, pris à l’armée régulière, qu’il reçoit, sur les hauteurs de Bangui, avec vue imprenable sur le magnifique fleuve Oubangui qui scintille en contrebas.
Les différents gardes armés de mitrailleuses lourdes qui jalonnent le parcours jusqu’au cœur du camp sont prévenus de notre arrivée et saluent gentiment sans faire de problème. Ce sont ces mêmes hommes qui ont commis les pires horreurs sur le chemin qui les a menés à la capitale. Dans la cour d’honneur, une vieille batterie anti-aérienne est pointée vers le ciel où ne volent que les hélicoptères français…
Avant d’entrer enfin dans le salon où Michel Djotodia est annoncé, la fouille est sommaire. Certains soldats dorment dans des canapés. Un autre est pris d’une crise de tremblements. Accès palustre ou excès de Tramadol, ce médicament antalgique que les miliciens prennent à forte dose ?
« Notre futur glorieux »
L’ambiance n’est pas à la rigolade. Enfin, celui qu’un intendant annonce comme « son excellence » apparaît enfin. Les salutations sont réduites à leur plus simple expression.
Quasiment sans reprendre son souffle, et alors que la RD Congo annonce l’envoi de 850 militaires, Michel Djotodia lit un long communiqué alambiqué. D’abord, il présente ses condoléances à la France pour les deux militaires tués, regrette les « exactions des groupes armés », sans bien sûr évoquer celles des siens. Le texte est long mais le message se résume facilement : « J’offre une main tendue pour la réconciliation nationale et j’exprime ma volonté d’élections libres et transparentes » après avoir lancé « Transformons nos armes en bulletins de vote » ou encore « Le mal est couché sur son lit de mort, nous sommes en route pour notre futur glorieux ».
Puis, sans attendre les questions, il se lève et disparaît entre deux gaillards à qui personne n’aurait l’idée de manquer de respect.
C’est le ministre de la communication qui assure le service après-vente. « Son excellence ne se sentait pas bien du tout. Il a failli annuler, il n’est venu que par respect pour vous. C’est pourquoi il a dû écourter la rencontre ». Le poids des responsabilités ou la crainte d’être chassé du pays par la force ?
Sur le chemin de la sortie, on entend beaucoup parler arabe. L’un des soldats, enturbanné d’un chèche bleu, le regard dissimulé derrière des lunettes de soleil réfléchissantes, nous fixe. Entre ses dents, notre chauffeur murmure : « Les djihadistes sont chez nous, les Tchadiens veulent piller notre pays ».
Les Tchadiens ? Alliés de la France au Mali… Michel Djotodia ? Président en attendant mieux… Pendant ce temps, les soldats français de la force Sangaris patrouillent en ville et, dans les quartiers, on se découpe à la machette.
Envoyé spécial en Centrafrique Ludovic BASSAND (estrepublicain.fr)
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