CENTRAFRIQUE NEWS EXPRESS

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Centrafrique : vers un conflit religieux ?

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Propos recueillis Léa Baron

 

Certains qualifiaient la situation en Centrafrique de "génocidaire" il y a quelques semaines. Depuis, la France a envoyé des troupes sur place pour appuyer la force de l'Union africaine, la Misca, dans sa mission de stabilisation du pays. Mais, les tensions entre communautés chrétiennes et musulmanes virent aujourd'hui au massacre à la machette donnant au conflit une dimension confessionnelle croissante. Christian Mukosa, chercheur à Amnesty international et spécialiste de la Centrafrique rend compte de cette nouvelle situation. 

 

Le conflit en Centrafrique qui a débuté après le putsch de mars dernier prend-il désormais un véritable tournant confessionnel ? 

Aujourd’hui, la dimension religieuse est plus importante car elle se manifeste aussi très violemment. Ces derniers jours, on a fait le tour des quartiers peuplés principalement de chrétiens et des quartiers occupés davantage par des musulmans. On sent une haine tenace entre les deux communautés. C’est une nouvelle dimension de la crise. 
Avant, c’étaient des anti-balaka qui se battaient contre des ex-Séléka. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ce sont les communautés qui se déchirent. Ce sont des voisins qui s’entretuent seulement parce que l’un est musulman et l’autre est chrétien. 
Ce conflit n’est plus uniquement un conflit politique mais c’est surtout un conflit interconfessionnel. 

Est-ce nouveau, dans ce pays, cette dimension religieuse du conflit ? 

Il y a toujours eu des petits problèmes entre communautés. Mais, à ma connaissance, je n’ai jamais vu ou entendu à Bangui, par exemple, que les gens s’entretuaient parce que les uns sont musulmans et les autres chrétiens. 
C’est assez nouveau. Il y a eu une instrumentalisation de la religion par les chefs politiques à un moment et maintenant que cela commence à dégénérer, plus personne ne contrôle rien. 
Les leaders politiques et religieux font passer des messages de paix à la radio mais je doute fort que le même message passe parmi les communautés. 

Comment en est-on arrivé à de telles tensions entre musulmans et chrétiens ? 

80% de la population centrafricaine est chrétienne. La Séléka ou en tout cas ceux qui ont pris les armes de la Séléka et le pouvoir au mois de mars ( 2013, mettant le président Michel Djotodia au pouvoir, nldr) sont perçus comme des étrangers (des Tchadiens et des Soudanais se trouvent parmi ces troupes, ndlr). En même temps, ils ont affiché beaucoup de sympathie envers les communautés musulmanes locales. Alors, lorsqu’ils ont affiché ce genre de sympathies en traitant mal d’autres Centrafricains qu’ils n’aimaient pas beaucoup, la population s'est mise à penser que tous les musulmans sont pour la Seleka et  sont donc des ennemis. 

Cela rend-il le conflit encore plus complexe qu'il ne l'est déjà ? 

Hier et avant hier soir, lorsque les forces françaises ont commencé à désarmer des ex-Séléka, des Séléka ou les membres de conseils musulmans qui étaient armés, les communautés chrétiennes les ont attaqués, en ont tué un certain nombre et blessé d’autres. Ce sont des règlements de comptes communautaires. Avant, on connaissait les acteurs on pouvait les intimider. Mais maintenant, c’est la population. On ne sait plus qui fait quoi. C’est plus facile de désarmer des anti-balaka ou les Séléka. Mais c’est difficile de désarmer la population civile. Ils sont dans les quartiers, ils se connaissent entre eux. Ils savent qui est musulman ou chrétien. C’est alors une tâche plus hardie surtout que les gens ont des machettes. Ceux là sont plus difficiles à contrôler que les combattants que l’on connaît et que l’on peut désarmer rapidement. 

Tous les anti-balaka sont des chrétiens, et tous les Séléka sont des musulmans. Tous les musulmans sont perçus comme des pro-Séléka. Les chrétiens sont perçus par les musulmans comme des partisans des anti-balaka. La situation est telle qu’il est très important que la communauté internationale, l’Union africaine, l’ONU aident ce pays à s’en sortir. On doit faire de la protection de civils une priorité. On doit accompagner ce processus de désarmement avec des mécanismes de protection physique des communautés : mettre des Français ou des gens de la FOMAC devant l’hôpital central de Bangui par exemple, s’assurer que les camps de déplacés sont gardés par des forces neutres. Ce sont des mécanismes neutres pour assurer une protection effective des populations civiles. Si on ne fait pas ça, tous les autres aspects du programme seront vains. 

 

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12/12/2013
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