Ndassima, l’or de la Seleka
Une autorisation délivrée par l’officier commandant la zone de Bambari est nécessaire pour se rendre sur la mine d’or. Aucune présence armée n’est visible sur le site, mais les deux jeunes soldats qui escortent les visiteurs n’ont qu’un geste à faire pour rappeler à l’ordre les ouvriers qui se montrent un peu agressifs. « Ici on tabasse toujours. Vous avez compris ?», glisse le plus discrètement possible un des artisans avant de s’esquiver rapidement. Les principaux sites diamantifères et aurifères se situent dans le Nord-Est du pays, contrôlé par la Seleka.
«A chaque étape de l’exploitation, qu'elle soit l’attribution d’un lot, la sortie du banco [la terre contenant les poussières d’or, nldr] vers la rivière ou la sortie de l’or de la zone, un officier de la Seleka prélève une taxe », assure un commerçant de Bambari qui souhaite garder l’anonymat.
A l’origine, l'exploitation de la mine avait été confiée à la société Aurafrique, filiale de la société canadienne Axmin. Les premières explorations ont débuté dès 2002. La compagnie s’est vue délivrer un permis d’exploitation de 25 ans en 2010. Seulement le site a été parmi les premières cibles des groupes armés de la Seleka qui a pu en prendre le contrôle le 21 décembre 2012, avant de s'emparer de Bambari le 23 décembre. Aussitôt, la société Axmin a fait valoir la clause de force majeure pour se retirer du projet.
Depuis, armés de barres à mine, de pelles, de sceaux et de bassines, des artisans miniers ont entrepris d’extraire le minerai, qui se présente sous forme de poussière dans une profonde couche argileuse. La fosse, où s’activent jour et nuit des centaines d’ouvriers, atteint une soixantaine de mètres de profondeur, parcourus de marches taillées dans un sol particulièrement glissant pendant la saison des pluies. Le 25 juin 2013, quarante personnes avaient trouvé la mort dans un glissement de terrain.
«Nous sommes forts parce que nous prenons du Tramol [le Tramadol, un analgésique puissant utilisé comme stimulant, ndlr] et que nous fumons de la «cocaïne» », explique un artisan surnommé «Empereur Bokassa», «délégué» pour un groupe de ses confrères. «Le patron nous affecte un carré, nous creusons et il nous paie en fonction de l’or que nous trouvons», poursuit-il. L’exploitation du site est illégale aux yeux de la société Axmin, et les artisans sont réticents à communiquer, de crainte que les «Canadiens» ne reviennent.
Bambari est le siège de l'Etat major de la Seleka depuis mai dernier. Sous tension depuis que des anti-balaka s'en sont approchés au mois d’avril, la ville est le théâtre de plusieurs explosions de violence.
La Seleka, composée de différents groupes rebelles, issus des régions du Nord-est et à majorité musulmans, avait pris le pouvoir en mars 2013. Suite à l’offensive des milices anti-balaka en décembre 2013, elle a dû se replier dans le Nord-est du pays.
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