RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE: Privée de soins dans son pays, Patricia s’est exilée ‘la mort dans l’âme’
Environ 20 000 ressortissants étrangers vivent avec le VIH/SIDA en France, des migrants venus en majorité d’Afrique qui, pour la plupart, ont découvert leur statut une fois sur place.
Ces personnes, parce qu’elles souffrent de pathologies graves ou de longue durée, peuvent bénéficier, au regard d'une loi datant de 1998, d’un titre de séjour pour raison médicale, une disposition utile pour les personnes séropositives.
Après deux ans de présence sur le territoire français, Patricia a enfin pu en profiter : elle vient d’obtenir un titre de séjour d’une année, après deux autorisations provisoires et plusieurs mois vécus dans l’illégalité.
Pourtant, cette jeune femme de 32 ans est une exception, selon les associations de défense des droits des étrangers. Séropositive depuis plus de dix ans, Patricia est venue en France afin de recevoir des soins qu’elle ne pouvait s’offrir dans son pays, la République centrafricaine.
A l'époque, un traitement antirétroviral (ARV), qui prolonge l'espérance de vie des personnes vivant avec le VIH, coûtait 23 000 francs CFA (45 dollars) par mois à Bangui, la capitale.
En France, les consultations médicales, les examens et les traitements sont gratuits pour les patients en cours de régularisation ou en situation irrégulière -- à condition de prouver que l’on vit en France depuis plus de trois mois et que l’on est dépourvu de ressources.
Patricia est arrivée à Paris en mai 2004, à l’invitation des organisateurs d’une conférence sur le VIH/SIDA. Son visa n’est que de courte durée. Elle n’aura de cesse de le faire prolonger. Cette activiste de la lutte contre le sida dans son pays raconte son parcours à PlusNews.
«Lorsque j’ai appris en 1995 que mon mari m’avait transmis le virus du sida, j’ai d’abord voulu me suicider», raconte Patricia, alors âgée de 21 ans. «Et puis un médecin m’a conseillée et orientée vers des associations. J’ai mis deux ans pour prendre conscience de ma maladie, pour l’accepter et vivre avec».
La jeune femme reste neuf ans sans soins «parce que le traitement était cher, qu’il y avait toujours pénurie et que les bilans biologiques n’étaient pas possibles, il fallait aller au Cameroun», le pays voisin. «Alors j’ai fini par vivre comme ça, sans rien.»
Consciente de la détresse des personnes vivant avec le sida dans son pays, elle fonde, en août 2001, le Congrès national des jeunes femmes séropositives.
«L’idée était de se regrouper, d’échanger des expériences, d’expliquer aux jeunes que tout n’est pas fini à cause du VIH, de monter des activités génératrices de revenu et de lutter contre la stigmatisation».
Alors que sa santé se dégrade dangereusement, l’association lui ouvre la porte de l’Europe.
«En 2003, j’ai fait un bilan parce que j’avais eu la tuberculose et que je voulais savoir où j’en étais : mes défenses immunitaires étaient très basses. Ce sont ces analyses qui m’ont poussée à partir.»
Patricia apprend alors qu’une conférence sur le sida est organisée à Toulon, dans le sud de la France. Les organisateurs l’invitent à venir présenter la situation épidémiologique de la République centrafricaine à ses frais.
«Comme j’avais fait quelques économies, j’ai décidé de partir en laissant derrière moi mon fils, la mort dans l’âme.»
Patricia arrive en France le 31 mai 2004. Elle n’en est plus jamais repartie.
«Après la conférence, je suis allée directement dans un hôpital à Paris. Je suis tombée sur une femme médecin très compréhensive», raconte-t-elle.
Une assistante sociale lui conseille pourtant de rentrer chez elle, et de revenir tous les six mois pour prendre le traitement.
«Je lui ai dit que le visa était difficile à obtenir, que le billet d’avion coûtait très cher et que le traitement en soi ne servait à rien s’il n’y a pas une prise en charge globale : il faut bien manger et faire des bilans sanguins régulièrement. S’il y avait tout ça chez moi, j’aurais été la première à partir !»
Patricia décide alors de rester à Paris et s’installe chez sa cousine. Dix jours avant l’expiration de son visa, elle doit quitter l’appartement.
Elle contacte alors l'African Positive Association (Apa) qui s'occupe des ressortissants africains séropositifs. On lui trouve un hôtel pour deux nuits, puis différents centres d’hébergement pour les sans-abri, qu’elle doit quitter à six heures du matin et ne retrouve qu’à sept heures du soir.
«Mon seul refuge était alors l’Apa, qui m’a aidée à ne pas me retrouver à la rue, où je restais de peur de me faire arrêter par la police. Ca m’est arrivé une fois, dans le métro : j’avais fraudé parce que je n’avais pas d’argent pour acheter mon ticket. Depuis, je fuyais la police.»
Noël Ahebla, le président de l’Apa, lui conseille de garder sur elle l’attestation du dépôt de dossier à la préfecture, pour éviter d’être expulsée.
«Ca a été une période très difficile parce que, sans papiers, c’est dur de trouver un hébergement. Je devais me rendre à l’hôpital avec une fiche de liaison que m’avait donnée l’action sociale pour pouvoir obtenir des médicaments. C’était compliqué pour me soigner, mais aussi pour garder le moral quand je ne savais pas où dormir. Certains médicaments doivent être conservés au frigidaire, je devais les laisser à l’Apa.»
En décembre 2004, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) lui accorde une autorisation provisoire de séjour de six mois, puis d’un an. Après un nouveau récépissé de trois mois, elle a reçu le 14 septembre dernier un titre de séjour d’un an.
«Ca me rassure de pouvoir chercher du travail. Jusqu’à présent, j’ai fait des petits boulots, je faisais des heures de ménage, je m’occupais des personnes âgées. Mais j’ai arrêté parce qu’on ne me payait pas bien : je travaillais du lundi au dimanche et je gagnais entre 400 et 500 euros (entre 500 et 635 dollars) par mois.»
Aujourd’hui, Patricia vit dans un logement ‘thérapeutique’ et suit un stage de formation à l’Apa, afin de devenir animatrice de prévention.
L’association sensibilise les migrants dans les lieux publics, les bars, les salons de coiffure du quartier parisien de Château Rouge, où vivent beaucoup de ressortissants africains.
«J’aimerai avoir la force de m’occuper d’autres séropositifs, surtout en Afrique. Et j’espère, si j’ai une maison à moi, pouvoir faire venir mon fils que je n’ai pas vu depuis bientôt trois ans. C’est pour lui que je tiens. J’ai envie d’avoir un foyer, un ami et de faire un deuxième enfant.»
Irin.org
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