En Centrafrique, «Sangaris» a écarté le pire
Déployé il y a un an, le dispositif militaire français a enrayé la spirale des violences même si l'insécurité demeure.
Par Alain Barluet (Le Figaro)
«La mission a été accomplie. Un palier sécuritaire a été atteint. Des pics de violences subsistent mais la solution n'est plus seulement militaire.» Ainsi résumée à l'état-major des armées, la situation en République centrafricaine (RCA) traduit un bilan en demi-teinte où le pire, toutefois, a été évité. Le 5 décembre 2013, lorsque la force militaire française «Sangaris», mandatée le jour même par l'ONU, intervient en urgence en RCA, le pays est en train de glisser vers le chaos. La spirale des violences intercommunautaires est en marche, née du renversement du régime de François Bozizé, en mars 2013, par une coalition rebelle à dominante musulmane, la Séléka, dirigée par Michel Djotodia. Au fil des mois, les exactions des combattants Séléka contre la population majoritairement chrétienne ont suscité la formation de milices d'autodéfense, les Anti-Balaka, qui s'en sont pris aux civils musulmans. À Paris et à Washington, on parle d'une «situation prégénocidaire». Un désastre humanitaire se profile. Plus de 120.000 déplacés campent sur l'aéroport M'Poko à Bangui.
À Paris, on évoque alors une opération «coup de poing» permettant de rétablir rapidement un niveau de sécurité minimal. Il s'agit aussi de favoriser la montée en puissance d'une force africaine, la Misca, puis d'une mission de l'ONU, la Minusca, qui a pris le relais en septembre dernier. De fait, le processus s'est avéré plus difficile et plus long que prévu initialement. Éruptions subites de violence, manifestations de «civils» évoluant, en un rien de temps, en prises à partie de haute intensité, avec des armes de guerre, provocations, instrumentalisations par des meneurs radicaux: les 1600 soldats français de «Sangaris» (renforcés à 2000 en février) sont confrontés à une palette sécuritaire extrême et volatile. Aujourd'hui encore, dans les zones les plus sensibles, «la variation des rapports de force est permanente. En une semaine, tout peut s'inverser», relève une source militaire.
Stabilisation
D'abord centrée sur Bangui, la force «Sangaris» - qui n'échappera pas, un temps, aux accusations de parti pris en faveur de l'un ou l'autre camp -, oriente ensuite ses opérations en direction de l'ouest. De février à septembre, elle concentre ses efforts sur la sécurisation de l'axe routier vital reliant la capitale à la frontière du Cameroun. Entre-temps, depuis avril, elle se déploie vers l'Est, fief des ex-Séléka, où surviennent régulièrement des vagues de violences, notamment à Bambari. Outre la capitale, c'est dans cette région Est que l'instabilité subsiste et que «Sangaris» concentre son action, à la fois dans le «couloir central» du pays (Bangui-Bouca-Batangafo) et dans un triangle formé par les villes de Dékoa, Sibut et Bambari.
Au ministère de la Défense, on met en avant cette stabilisation et «l'émergence de signaux faibles de reprise» dans le pays. De nombreuses armes ont été saisies et 14 tonnes de munitions détruites. Le nombre de déplacés se serait réduit de moitié. Un redéploiement de l'administration s'esquisse dans un pays où l'État avait déserté. Mais le mouvement reste ténu. Le retour à une certaine forme - précaire - de stabilité s'est fait au prix d'une partition de facto du pays. Plus encore, les lignes de fractures, loin d'être binaires, fragmentent chaque camp en une multitude de groupes et de clans, politisés, communautaires ou parfois simplement criminels. «Il n'y a pas une Centrafrique mais des Centrafrique», disait le général Francisco Soriano, l'ex-patron de «Sangaris».
Le général Éric Bellot des Minières, qui lui a succédé en juin dernier, a confirmé jeudi la perspective d'un désengagement des forces françaises, estimant que le pays est en voie de «normalisation». Les étapes de ce retrait n'auraient toutefois pas encore été décidées. Le mouvement se fera parallèlement au plein déploiement de la Minusca (7500 soldats actuellement sur les 10.000 prévus). L'Union européenne maintient également une force de 700 hommes (dont 260 militaires et gendarmes français). Tout en diminuant ses effectifs, la France va «densifier ses capacités» pour réagir très rapidement, si besoin. Des blindés dernière génération, les VBCI, et des hélicoptères d'attaque Tigre, doivent bientôt faire leur apparition sur le «théâtre» centrafricain.
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