Les fonctionnaires de Centrafrique à l’appel
Des caisses vides et une masse salariale publique qui a explosé depuis le début du conflit, fin 2013. Une situation intenable pour le gouvernement de Bangui, qui procède à un recensement des fonctionnaires et des agents de l’État pour connaître enfin la réalité des effectifs de la fonction publique.
L’administration centrafricaine : combien de divisions ? Le pays compterait environ 21 000 fonctionnaires et agents de l’État, selon les estimations officielles plutôt… approximatives. Du 24 au 27 mars, le gouvernement a donc décidé de procéder à un contrôle physique de tous les fonctionnaires dans l’ensemble des départements ministériels, afin de dénicher – et de radier – les agents publics fantômes. Une opération vérité exigée par les bailleurs de fonds qui assistent la Centrafrique dans ses efforts de redressement et de retour à la sécurité.
Miné par le conflit armé, l’État, en déliquescence et dont les caisses sont vides, est à la recherche de la moindre piste pour alléger ses dépenses et soulager sa trésorerie. Car la crise a paralysé les administrations (Trésor public, douanes, etc.) censées faire rentrer l’argent, privant l’État de ressources pour payer les salaires et les retraites.
Dans ce contexte, la réduction de la masse salariale de la fonction publique, qui s’est emballée depuis le début du conflit, passant de 4,6 millions d’euros à 7,6 millions d’euros par mois, paraît être une source d’économie tout indiquée.
Postes non budgétisés
En 2004, le contrôle Furca (Fichier unique de référence en Centrafrique) avait pourtant recensé les fonctionnaires, visiblement sans grande fiabilité. “L’augmentation de la masse salariale en Centrafrique est due non seulement aux différents grades des colonels et des généraux des éléments de la coalition séléka après le 24 mars, mais aussi aux créations et aux nominations à des postes de complaisance non budgétisés”, a affirmé Jean-Édouard Koyambounou, l’inspecteur général de l’État chargé de piloter le recensement des fonctionnaires.
Des excès qui ont amplifié une situation déjà bien dégradée. “Alors que les caisses de l’État sont vides, des fonctionnaires touchent deux ou trois salaires, des retraités, nommés à des postes de responsabilités, perçoivent des salaires en plus de leur pension. La situation est déplorable”, a-t-il également précisé. Et l’inspecteur général de l’État d’ajouter : “Il y a aussi des fonctionnaires qui ne vont jamais au travail mais émargent sur le compte de l’État. D’autres sont décédés pendant les troubles. Donc, il est important de mettre à jour le fichier des fonctionnaires centrafricains et que l’État puisse connaître l’effectif réel de son personnel en activité.”
Désapprobation syndicale
Pendant près d’une semaine, la capitale, Bangui, servira de test grandeur nature, avant d’étendre le recensement à tout le pays. Un audit physique des ressources humaines de la fonction publique piloté par l’inspection générale d’État. Chaque fonctionnaire devra lui fournir sa pièce d’identité ou son passeport en cours de validité, ainsi qu’un bon de caisse datant du mois de septembre ou octobre 2013.
Un recensement dénoncé par l’Union syndicale des travailleurs en Centrafrique (USTC), qui considère que les conditions ne sont pas réunies pour mener cette opération. “L’insécurité a fait fuir plusieurs fonctionnaires et agents de l’État en dehors du pays. Certains se trouvent dans la brousse, fuyant les violences et d’autres ont perdu leurs pièces d’identité. Le délai de l’opération est trop court”, a fustigé Sabin Kpokolo, secrétaire général de l’USTC. Car si des fonctionnaires ont rejoint Bangui, espérant être davantage en sécurité, d’autres ont fui et figurent parmi les 600 000 déplacés internes et les 296 000 réfugiés dans les pays voisins, selon les estimations des Nations unies.
Par ailleurs, les fonctionnaires vivent d’autant moins bien ce recensement qu’ils accumulent les arriérés de salaires. Grâce à l’aide extérieure, ils ont perçu, le 10 mars dernier, leur premier mois de salaire depuis septembre 2013. Et ils ne savent toujours pas quand ils percevront à nouveau un salaire.
Jean-Michel MeyerA découvrir aussi
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