CENTRAFRIQUE NEWS EXPRESS

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M. Kombo-Yaya: le fichier électoral est parfois «complètement détruit»

 

La transition en Centrafrique va se prolonger. Les élections prévues en février 2015 ne pourront pas être organisées à temps. Dieudonné Kombo-Yaya, le président de l’Autorité nationale des élections (ANE), l'affirme au micro de RFI. En novembre 2013, le groupe international de contact avait décidé que des élections seraient organisées en février 2015, et qu’elles marqueraient la fin de la transition. Le mois suivant, l’Ane avait été créée. Mais ses membres ont bien du mal à fonctionner tant leur manque de moyens est criant, dans un pays où l’insécurité est toujours présente. Dieudonné Kombo-Yaya, président de l’Autorité nationale des élections, est l’invité de Sébastien Németh.

 

 

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Les élections sont prévues pour février 2015. L’ANE a été créée en décembre 2013. Qu’est-ce qui a été fait depuis ?

Nous avons fait des visites de travail dans douze des seize préfectures, ainsi qu’une évaluation administrative, politique et sécuritaire. Nous n’avons pas pu nous rendre dans d’autres secteurs à cause de problèmes techniques. Du côté de Nola et Birao, c’est assez difficile avec la rébellion qui sévit, et également dans le Haut-Mbomou, où sévit la LRA (l’Armée de résistance du Seigneur).

Mais depuis, la situation a évolué. Je ne pense pas que quelqu’un soit en mesure d’aller à Bambari ou à Batangafo pour faire une commission électorale. Nous avons été à Bouar, mais une semaine après notre passage à Bouar, l’insécurité s’est réinstallée.

 

Cette tournée dans le pays date du mois de janvier. Quelle situation avez-vous trouvé à l’époque, notamment en vue de la préparation des élections ?

Dans certains secteurs, le fichier électoral a complètement été détruit, il n’y a rien. Dans d’autres, certains responsables administratifs ont pu le sauver. Mais d’une manière générale, il y a tout à refaire.

 

Est-ce que cela veut dire qu’il faut refaire un recensement électoral ?

Absolument, mais il faut d’abord enrôler – il faut former des recenseurs, et les envoyer à l’intérieur du pays. Nous avons un problème, il y a deux préalables. Le premier est un préalable politique : nous devons prendre une décision stratégique sur le mode d’enregistrement des électeurs. Le code électoral aujourd’hui prévoit la biométrie, mais les partenaires techniques et financiers ne sont pas disposés à financer la biométrie, parce que c’est un processus extrêmement long et extrêmement coûteux.

Nous sommes aujourd’hui en concertation pour trouver une solution, basée sur un consensus national – pour choisir une option intermédiaire, qui ne soit pas trop coûteuse.

 

Justement, l’ANE, depuis sa création, a toujours souffert du manque de moyens. Où en sont actuellement vos moyens pour remplir vos missions ?

Je vous le dis franchement : nous n’avons aucun moyen pour le moment. Nous avons confectionné un budget que nous avons envoyé au gouvernement, le gouvernement l’a inscrit dans le budget 2014. Il est d’un milliard de francs CFA. C’est un effort de la part du gouvernement, il faut le reconnaître. Malheureusement, jusqu’à aujourd’hui, cet argent n’est pas disponible.

Nous sommes aujourd’hui confrontés à de sérieuses difficultés budgétaires. Le budget des opérations électorales est évalué à 37 milliards (de francs CFA, ndlr). L’Union européenne a fait, depuis janvier, la promesse d’une enveloppe de 20 millions d’euros, soit 13 milliards de francs CFA. Le cap est assez énorme. Il peut être revu à la baisse selon le choix des options : si nous faisons l’enregistrement biométrique, et si nous couplons ou non les élections.

C’est le second problème que nous avons. Le code électoral impose le découplage des élections, mais les partenaires techniques et financiers ne sont pas disposés à financer le découplage, car cela ferait cinq scrutins : le referendum constitutionnel, la présidentielle (premier et deuxième tour), et les législatives (premier et deuxième tour). Ce serait assez coûteux. En couplant la présidentielle et les législatives, cela baisse sensiblement les coûts. Mais il faut un consensus national pour trouver une solution.

 

Concrètement, comment arrivez-vous à fonctionner au jour le jour avec un tel manque de budget ?

Nous fonctionnons tant bien que mal. Nous avons lancé la mise en place des membres du démembrement de la ville de Bangui. Nous avons procédé aux présélections, mais ils ne pourront pas prêter serment, parce que le code électoral le dit clairement : s’ils prêtent serment, ils sont immédiatement opérationnels. Or, nous n’avons pas de moyens financiers pour les payer, et d’ailleurs nous ne pouvons pas leur imposer cela.

Nous-mêmes, cela fait huit mois que nous travaillons, nous n’avons pas de salaire. Nous avons cette volonté, nous nous sacrifions, nous travaillons sans salaire, nous n’allons pas l’imposer aux membres du démembrement. Nous sommes bloqués, j’aime autant vous le dire, nous sommes bloqués.

 

Comment expliquez-vous ce manque de moyens chronique ? Est-ce un manque de volonté politique, est-ce qu’on sous-estime votre mission ?

Non, la volonté politique est là, certainement. Vous connaissez la situation financière du pays. Naturellement, j’ai l’impression que la communauté internationale nous oublie. Il faut nous aider à organiser des élections crédibles, transparentes et apaisées, acceptables par tout le monde, pour qu’on ne vive plus ce qu’on a vécu dans le passé.

 

En mars, vous étiez assez pessimiste sur le respect de l’échéance de février 2015. Etes-vous toujours aussi peu optimiste ?

Personne n’est dupe. Aujourd’hui, les conditions actuelles, les contraintes font que le délai de février 2015 est peu envisageable.

 

Pour vous, février 2015 n’est pas tenable ?

Ce n’est pas tenable.

 

Avez-vous déjà demandé un délai supplémentaire ?

Nous attendons de réunir tous les éléments, d’ici la fin de l’année, pour nous prononcer de manière officielle. Mais je vous le dis franchement, ce délai n’est pas tenable.

 

À quelle date, selon vous, des élections pourraient se tenir ?

Si nous faisons de la biométrie, il faut un délai de neuf mois. Le délai est long et coûteux, ce qui n’est certainement pas envisageable. Si nous choisissons le couplage des élections, cela va aussi réduire le délai.

Il faut penser à la période de l’automne 2015, plutôt que juillet-septembre, qui est la plus forte saison des pluies. C’est la version optimiste.

 

 

RFI

 



02/09/2014
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