RCA/FACA: tribalisme, politisation et marginalisation systématique ont fait le lit à l’apocalypse
Par Julien Bela
Forces Armées Centrafricaines (FACA), la Gendarmerie (GIGN), la Police (CNS, OCRB, FICU), jadis redoutées à l’époque, ne sont que l’ombre d’elles-mêmes. Le tribalisme a été le premier virus qui a rongé les forces de défense et de sécurité depuis le règne Kolingba. Le Général d’Armée André Kolingba, paix à son âme, avait, il faut le reconnaître, un sens élevé d’organisation de l’armée. Il n’en demeure pas moins que c’est sous son règne que le tribalisme a fait irruption par la grande porte au sein de l’armée centrafricaine, un tribalisme industriel à ciel ouvert, au vu et au su de tous. L’Escadron Blindé Autonome (EBA) en était une parfaite illustration. Une chose est sûre, les FACA tenaient toujours debout, ainsi que la police et la gendarmerie.
Avec Patassé, c’est la haine tribale qui se développe à l’exponentiel. Une grande campagne de purge ethnique contre les parents de Kolingba. Réaction de survie oblige, les mutineries en chaîne ne lui ont laissé aucune chance de gouverner. Les jeunes de l’Ecole Militaire des Enfants de Troupes (EMET), pépinière unique en Afrique, ont mis Patassé à genoux. Il a fallu que la France brise l’étau qui resserrait autour du barbu national qui n’avait que quelques minutes pour démissionner. Enfin, le coup d’Etat rocambolesque manqué du 28 mai qui a offert à Patassé l’opportunité de déclencher une campagne véritablement meurtrière sur fond de purge ethnique, un génocide en somme qui n’a pas dit son nom. Au cœur de tout ce micmac, François Bozizé, en sa qualité de chef d’Etat-major des armées. Ensuite, le divorce entre Patassé et Bozizé qui aboutira au renversement de Patassé. Les FACA ont joué un rôle majeur en laissant malgré elles Bozizé entrer à Bangui avec ses rebelles pour prendre le pouvoir, le 15 mars 2003. Général aussi de son Etat comme Kolingba, tous les espoirs étaient permis pour les FACA de reprendre du poil de la bête. Malheureusement, Bozizé ne l’entendait pas de cette oreille. Bozizé père, fils, mère, neveux, oncles, parents lointains et proches, achèveront le processus de déconfiture des forces de défense et de sécurité dans le pays. Les ex-libérateurs et d’autres seigneurs de guerre, dont le boucher de Paoua, sont les maîtres absolus du pays, distribuant des coups de poing à gauche et à droite, brûlaient la cervelle des uns et des autres : « Tu me connais ? » était leur nom de rage. Des douaniers, des agents des impôts en service en ont fait les frais. Pour une histoire de femme, un compatriote a failli être enterré vivant au cimetière de Ndrès par un des fils Bozizé. Néanmoins, ce compatriote a bu le vin de la torture. Des fils de chef d’Etat vont jusqu’à braquer des individus pour arracher moto et argent, incroyable mais pourtant vrai ! Bozizé, hyper-vorace en terme d’argent, avec ses fils et neveux, sont vomis par la population. La coalition Séléka, que personne ne connaissait réellement, apparaissait comme une solution de rechange. Les forces de défense et de sécurité n’étaient qu’un groupe de gens, des moins que rien. Bozizé et les siens voyaient les coups d’Etat partout, à telle enseigne que des jeunes sont arrêtés pour des armes, jouets de Noël. Hélas ! Les Centrafricains se débarrassent du mal, mais entrent dans le pire.
La coalition Séléka n’avait rien de commun avec les attentes des Centrafricains après le joug Bozizé. Carnages, massacres, braquages, pillages, exactions de tout genre, sont érigés en règle de gouvernance. La personne humaine est moins qu’une bête, ligotée comme une botte de bois de chauffe, torturée à mort. Les Centrafricains se sont frottés les yeux pour bien voir, si ce n’est pas une hallucination, un cauchemar. C’est la triste réalité depuis novembre 2012 à Ndélé, Bria, Bamabari, Grimari, Sibut, Damara (ligne rouge devenue verte), Bouca, Bossangoa, Bossémbélé, et enfin Bangui où Bozizé et ses fils sont partis chacun de son côté sans demander ou est papa, enfants, mamans, neveux et autres, un « sauve qui peut » indescriptible, le 24 mars 2013.
Comme des fourmis-magnants, la coalition Séléka a envahi tout le pays, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Le langage de la haine et du mépris de Bozizé et les siens est remplacé par celui des armes : « quand les colts fument, on l’appelle Séléka », et c’est parti depuis le 24 mars 2013 à ce jour. Boy-Rabe 1 et 2, Gobongo, Boeing 1 et 2, Bouca, Bossangoa, Bohong, Gaga, Bossémbélé, Mbata, Bangui-Bouchia, Pissa, Bangassou, la liste est longe. Les forces de défense et de sécurité n’ont vraiment plus droit de cité. Les militaires, gendarmes et policiers sont massacrés, braqués, pillés, humiliés, et les enlèvements se poursuivent encore aujourd’hui, qui se terminent par la mort. Pendant que la Communauté internationale s’accroche aux forces républicaines légales, les leaders de la Séléka ne l’entendent pas de cette oreille, préférant les maquisards. Chaque jour qui passe, un élément FACA est expédié en enfer. La férocité de l’ex-Séléka n’a plus d’égal. Qui peut dialoguer avec les armes ? Les colonels, les généraux, ces seigneurs de guerre sont intouchables. Le phénomène « Anti-Balaka » vient se greffer à la fournaise Séléka ambiante. 623 Km² sont transformés en champ de bataille. Personne ne ferme les yeux de la nuit. La peur, la panique et les inquiétudes se lisent sur les visages des Centrafricains. C’est un interminable cauchemar. Seule la Communauté internationale apparaît comme une fenêtre d’espoir pour sauver les meubles…
Julien BELA
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