INTERNATIONAL CRISIS GROUP: République centrafricaine: une transition en péril
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Le 26 septembre 2014, le Secrétaire général des Nations unies a organisé une rencontre de haut-niveau consacrée à la République centrafricaine. Après la signature de l’accord de Brazzaville le 23 juillet, la nomination d’un nouveau gouvernement de transition le 24 août et le transfert de la responsabilité du maintien de la paix de l’Union africaine aux Nations unies le 15 septembre, cette rencontre avait pour objectif d’identifier les prochaines étapes pour la restauration de la paix et de la stabilité en Centrafrique. Ont participé à cette réunion la présidente de République Centrafricaine Catherine Samba-Panza, des représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, des pays voisins de la Centrafrique, des organisations régionales et des institutions financières internationales. International Crisis Group a envoyé la lettre ci-dessous à ceux qui ont participé à cette réunion peu avant qu’elle ne se tienne.
Lettre aux participants de la réunion de haut niveau sur la Centrafrique
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26 septembre 2014
Excellences,
La transition centrafricaine en cours depuis sept mois est en péril. Les dirigeants et les partenaires du pays qui participent à la réunion spéciale de haut niveau à l’Assemblée Générale des Nations Unies le 26 septembre 2014 devraient redoubler d’efforts pour redonner un nouvel élan à cette transition.
Le sommet de Brazzaville tenu en juillet dernier, qui visait à mettre fin à la partition de facto de la Centrafrique, n’a pas mis fin aux violences. Les principaux groupes armés sont en déliquescence, manquent de leadership clair, cherchent à étendre leur contrôle sur le territoire et confondent banditisme et politique. Pour rendre possible un processus politique en Centrafrique, il faut les contenir. A Bangui, les élites politiques sont divisées ; le gouvernement est affaibli, faisant face à un mécontentement populaire grandissant et à des accusations de favoritisme liées au choix contesté d’un nouveau Premier Ministre. Enfin, malgré une apparente unanimité, les voisins de la Centrafrique poursuivent des stratégies concurrentes et souvent ambigües dans le pays.
International Crisis Group recommande aux participants de la réunion de haut niveau de considérer les mesures suivantes :
1. Développer une stratégie contre les groupes armés :
- La mission européenne EUFOR-RCA devrait être étendue au-delà de son terme initialement prévu en décembre, jusque mi 2015 et ce afin d’aider à contenir les groupes armés en attendant que la mission des Nations Unies, la MINUSCA, ait atteint sa pleine capacité.
- Le gouvernement de la Centrafrique et les partenaires internationaux devraient prendre en considération les divisions profondes des groupes armés et envisager plusieurs négociations avec les véritables dirigeants des groupes armés.
- Les troupes des Nations Unies et de l’Union Européenne devraient mettre sous pression les chefs des milices en usant du pouvoir d’arrestation prévu par les mesures temporaires d’urgence et en limitant leurs revenus à travers l’investigation et le renforcement des contrôles sur le trafic des ressources naturelles.
- Le gouvernement centrafricain et les partenaires internationaux devraient conjointement définir les lignes directrices d’une stratégie de désarmement et de réinsertion des combattants qui privilégient la réintégration communautaire afin de couper les liens existant entre eux et leurs commandants. Ils devraient commencer par planifier la reconstruction et la réforme des services de sécurité.
2. Clarifier la marche à suivre pour la transition politique :
- La Présidente Catherine Samba-Panza devrait présenter sa vision concernant la transition et un cadre de dialogue pour en discuter avec les élites politiques à Bangui et les populations dans tout le pays.
- Les élections devraient être reportées jusqu’à ce qu’un large consensus sur la transition et sur le cadre de dialogue pour discuter des réformes nécessaires soit formé et jusqu’à ce que les fondations primordiales de la vie politique, y compris partis politiques et législation électorale, soient en place.
- Les donateurs devraient soutenir la restauration des services de l’Etat dans les villes où la MINUSCA est déployée, coordonner rapidement la reconstruction à travers la mise en place de grands chantiers et soutenir des comités de paix intercommunautaires où cela est faisable.
3. Prioriser la relance économique et la gestion des ressources naturelles, essentielles pour la stabilisation de la Centrafrique :
- La Présidente Catherine Samba-Panza devrait inviter les partenaires internationaux à considérer un modèle de gestion partagée pour les institutions génératrices de revenus, comme prévu dans le GEMAP (Programme d’assistance à la gouvernance et à la gestion économique) au Libéria.
- Les autorités de la transition et les partenaires internationaux devraient enquêter sur les trafics de ressources naturelles, sécuriser les principaux sites miniers à travers le déploiement de la MINUSCA et redéployer les services d’Etat responsables de la chaîne de commercialisation des diamants. Ces mesures pourraient permettre d’envisager de lever la suspension du système de certification du Processus de Kimberley afin que l’exportation légale de diamants contribue à la relance de l’économie.
- Un groupe de travail incluant les donateurs, les ministères économiques centrafricains et le secteur privé devrait élaborer une stratégie de reprise économique pour les trois ans à venir.
Un accord sur cette approche devrait être garanti par un groupe multilatéral efficace soutenu par la région et d’autres pouvoirs majeurs. L’actuel groupe international dit G5 (Nations Unies, Union Africaine, Union Européenne, France et Etats-Unis) qui suit la crise centrafricaine devrait être élargi pour y inclure les pays voisins qui subissent les conséquences de cette crise (Tchad, Cameroun et Congo-Brazzaville) et ceux qui sont susceptibles d’influencer les parties en conflit (dont l’Angola et le Soudan).
International Crisis Group estime que les mesures exposées ci-dessus contribueraient à améliorer la situation sécuritaire, à faire avancer la transition politique et stimuleraient l’économie. A défaut d’une action urgente de la part des dirigeants de la Centrafrique, de la région et plus largement de la communauté internationale, la violence intercommunautaire risque d’empirer et les chances de faire aboutir un processus politique ou de relancer l’économie s’amenuiseront.
Je vous prie d’agréer l’assurance de ma plus haute considération,
Jean-Marie Guéhenno
Président-directeur général
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